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Comment modéliser la distribution d’Odontaster validus en Antarctique ?

Odontaster validus est une espèce d’étoile de mer très commune de l’Antarctique dont les densités de population peuvent atteindre 20 individus par m2 (Cape Evans en mer de Ross). De taille moyenne pour une étoile, elle est très reconnaissable par sa couleur rouge-violet et sa plaque madréporite jaune qui contraste fortement.

Elle est endémique de l’océan Austral, on la trouve sur le plateau continental de l’infralittoral à la rupture de pente. C’est une espèce qui produit des larves planctotrophes capables de rester dans la colonne d’eau 6 mois durant. Au cours de l’hiver austral, elle émet ses gamètes (les spermatozoïdes et les ovocytes produites dans les gonades) dans la colonne d’eau (il n’y a pas de copulation chez ces animaux) où la fécondation aura lieu.

Odontaster a un rôle écologique important. Elle se nourrit de larves d’autres animaux y compris d’autres espèces d’étoiles de mer, qui vivent sur le fond de la mer. Ainsi faisant elle réduit le nombre de certains prédateurs comme par exemple le nudibranche Austrodoris  mcmurdensis ou d’autres étoiles de mer prédatrices des éponges comme Acodontaster conspicuus. Odontaster est donc une espèce régulatrice de la composition des communautés benthiques. Connaître sa distribution autour de l’Antarctique revient à connaître l’un des facteurs biologiques importants qui façonne la structure de la biodiversité dans l’océan Austral.

Odontaster validus en vue aborale ; la madréporite est bien visible en haut à droite de l’animal. © MNHN Odontaster validus en vue aborale ; la madréporite est bien visible en haut à droite de l’animal. © MNHN

Antonio Agüera Garcia, post-doctorant à l’Université Libre de Bruxelles, travaille sur la modélisation de la distribution de cette espèce. La modélisation de la distribution des espèces marines est classiquement une simple mise en relation mathématique entre des observations de présence et les paramètres physico-chimiques mesurés au point d’observation (température, salinité, concentration en oxygène, etc.). Ce modèle peut ensuite être appliqué aux points de l’espace qui n’ont pas été explorés, mais dont on connait les paramètres physico-chimiques du milieu.

Antonio, dans le cadre du programme vERSO financé par le BELSPO (politique scientifique belge), complète cette approche en intégrant dans ces modèles les traits d’histoire de vie d’Odontaster validus afin de pouvoir modéliser dans l’espace la distribution de leurs performances métaboliques et énergétiques. D’autres modèles énergétiques, appliqués à d’autres espèces ayant un rôle de contrôle des communautés permettront de mieux comprendre la dynamique des écosystèmes de l’océan Austral, encore trop mal connue. 

La dissection débute par une incision au bout d’un bras où l’on est certain que le ciseau ne rencontrera pas d’organe. © MNHN La dissection débute par une incision au bout d’un bras où l’on est certain que le ciseau ne rencontrera pas d’organe. © MNHN

Parmi ces traits d’histoire de vie, Antonio étudie le cycle de reproduction, l’énergie allouée à la reproduction, la vitesse de prise de poids, toutes informations qui vont lui permettre de comprendre le fonctionnement de cette espèce. Pour ce faire, il a demandé à l’équipe REVOLTA de récolter 40 spécimens d’Odontaster. Parmi celles-ci, 20 ont été disséquées immédiatement et 20 conservées en aquarium pendant 10 jours, puis disséquées.

Nous avons ouvert chaque spécimen en séparant la partie orale (qui porte la bouche) de la partie aborale (face opposée à la face portant la bouche). De cette manière, les gonades (organes associés à la reproduction) restent attachées à la partie aborale, et les caecums pyloriques (organes associés à la fonction de digestion) restent attachés à la face orale. Les étoiles de mer possèdent une symétrie pentaradiée. Chaque gonade est répétée 5 fois, et chaque caecum, logé dans les bras, est aussi répété cinq fois. Les caecums sont attachés à la partie aborale de l’animal par un tissu transparent qu’il faut délicatement couper. Une fois les deux parties de l’animal séparées, les gonades sont prélevées et conservée dans du formol pour analyse histologique qui permettra d’identifier le sexe de caque animal et son stade de maturité sexuelle. Les caecums sont aussi prélevés et conservés à -20°C.

Les faces orales et aborales sont maintenant découpées, les gonades (en orange) et les caecums pyloriques (en noir) apparaissent. Les faces orales et aborales sont maintenant découpées, les gonades (en orange) et les caecums pyloriques (en noir) apparaissent. © MNHN
Les caecums pyloriques sont maintenus par du tissu qu’il faut couper pour les séparer proprement de l’animal. © MNHN Les caecums pyloriques sont maintenus par du tissu qu’il faut couper pour les séparer proprement de l’animal. © MNHN
Les deux parties, orale à gauche et aborale à droite sont maintenant complètement séparées ; à gauche apparaît les cinq caecums dans les bras et à droite les cinq gonades entre les bras. © MNHN Les deux parties, orale à gauche et aborale à droite sont maintenant complètement séparées ; à gauche apparaît les cinq caecums dans les bras et à droite les cinq gonades entre les bras. © MNHN
Les gonades sont recueillies dans un flacon puis fixées au formol. © MNHN Les gonades sont recueillies dans un flacon puis fixées au formol. © MNHN
Les gonades sont prélevées avec une pince. © MNHN Les gonades sont prélevées avec une pince. © MNHN
Les caecums sont prélevés avec une paire de ciseau à dissection. © MNHN Les caecums sont prélevés avec une paire de ciseau à dissection. © MNHN
Le résultat de la dissection : un tube contenant les gonades, un sac plastique contenant les caecums et l’animal. © MNHN Le résultat de la dissection : un tube contenant les gonades, un sac plastique contenant les caecums et l’animal. © MNHN