Il n’est pas possible de rester longtemps dans une eau glacée à -1,7°C sans utiliser une combinaison sèche. Il s’agit d’une combinaison de plongée intégrale parfaitement étanche qui se décline en plusieurs modèles, généralement en néoprène ou en toile. Pour se tenir chaud, le plongeur revêt des vêtements thermiques qu’il enfile sous cette combinaison. Ainsi, seules les mains et la tête sont humides mais réchauffés pour un temps seulement par le port de gants épais et d’une cagoule. La partie du corps immédiatement au contact de l’eau est le tour de la bouche et parfois les joues. L’utilisation d’une combinaison étanche nécessite un entraînement particulier car ce type de vêtement a la particularité d’être relié au bloc-bouteille. Le plongeur peut, à sa guise, gonfler et dégonfler sa combinaison.
Le reste du matériel est presque identique au plongeur qui s’immerge dans les eaux plus tempérées. Il est toutefois nettement avantageux d’utiliser des détendeurs spéciaux dédiés aux eaux froides qui retardent l’effet du givrage. Tous les éléments qui permettent d’injecter de l’air dans le volume étanche, le gilet stabilisateur et bien sûr les détendeurs sont susceptibles de givrer dès lors qu’ils sont fortement sollicités. Le givrage est un phénomène qui s’explique par la très basse température de l’eau et l’action de détendre l’air d’une pression élevée à une basse pression. Une boule de glace se développe sur le premier voire le second étage du détendeur. Cette glace exerce alors une pression sur la membrane du détendeur qui a pour conséquence le flux en débit continu de l’air sans possibilité de l’arrêter autrement qu’en fermant le robinet du bloc-bouteille sous peine de voir sa réserve d’air diminuer extrêmement rapidement. Le second plongeur se charge généralement de cette action. Pour cette raison, plonger dans ces eaux implique de plonger à deux minimum et à très courte distance l’un de l’autre. La surveillance de son compagnon de palanquée doit être permanente de même que le « check-bubble », la surveillance des bulles qui sortiraient anormalement d’une partie du scaphandre autonome. Le givrage peut concerner également l’inflateur du direct-system qui sert à gonfler le gilet stabilisateur. La conséquence directe est que le plongeur est ramené en surface à très grande vitesse en risquant une surpression pulmonaire ou un accident de décompression.
De manière générale, plonger dans ces eaux nécessite de solliciter au minimum ses inflateurs, ses détendeurs. Il faut ventiler très lentement et ralentir ses mouvements même si le froid commande de bouger pour se réchauffer. Tous les mouvements doivent être effectués avec lenteur pour éviter l’essoufflement qui est un autre des dangers de la plongée.
En Terre Adélie, la législation autorise les plongeurs à descendre à 20 mètres au maximum. Toutes les plongées doivent être effectuées dans la courbe de sécurité des tables du Ministère du Travail, car nous parlons ici de plongée effectuée dans un cadre professionnel. Les paliers sont donc proscrits. Signalons que sur la base Dumont-d’Urville, il n’existe pas de caisson hyperbare et le médecin ne dispose pas de moyens pour gérer une importante hypothermie. Toutes les plongées sont donc risquées.
Pour limiter les risques, le chef d’opération hyperbare, qui est responsable pénalement et civilement en cas de problème, prend des mesures de sécurité en adoptant le principe de la redondance.
Tous les plongeurs ont une réserve d’air largement supérieure à leurs besoins réels au fond. Pour cette raison ils utilisent des blocs-bouteilles de 15 L au minimum. Chaque plongeur dispose de deux détendeurs complets gréés sur deux sorties indépendantes et de deux ordinateurs ou profondimètres. Un bloc de sécurité de 15 L au minimum, équipé de deux détendeurs complets est suspendu dans l’eau à 2 ou 3 mètres au-dessus du fond de manière à ce qu’il soit toujours visible par la palanquée. L’air ne peut et ne doit pas manquer. Une surveillance de surface est systématique et par radio, le plongeur de sécurité appelle la base, le médecin en début et fin de plongée.A leur sortie, les plongeurs se sèchent rapidement le visage et les mains pour que la peau ne soit pas brûlée par le froid. On ne plonge que si la règle des 3 F est respectée, à savoir Faim, Froid, Fatigue. Il faut également se trouver dans de bonnes conditions psychologiques car il s’agit toujours de plongées engagées. La confiance absolue dans son ou sa partenaire est indispensable. Plonger dans ces eaux extrêmes crée des liens de confiance qui durent longtemps.
Tout ce dispositif n’est souvent possible que grâce à une équipe « surface » efficace. La plongée ne concerne donc pas seulement les plongeurs qui s’immergent mais toute une « team ». La préparation du matériel, l’équipement des plongeurs, la sécurisation du site, etc nécessite de l’aide car il est rare d’être absolument autonome. Le seul fait d’enfiler ses gants est souvent difficile à exécuter seul et à la sortie, le plongeur transit de froid a souvent besoin de l’aide de l’équipe de surface qui est donc aussi importante que l’équipe « fond ».
Plus engagées encore, ce sont les plongées sous banquise. Que le trou de mise à l’eau soit étroit ou large, il s’agit de plongées sous plafond comme les plongées souterraines. Les mêmes techniques sont alors utilisées. Si l’on doit creuser la banquise pour y forer un trou de mise à l’eau, ce n’est pas 1 mais 3 trous qui seront creusés, principe de la redondance oblige. Chaque trou de plongée est équipé d’une gueuse bien visible sous la surface. Les plongeurs évoluent alors entre ces trois trous qui forment un triangle. Perdre de vue ses trous de mise à l’eau est fatale pour le plongeur qui ne trouvera pas de sortie. De manière à limiter encore plus ce risque, on utilise généralement un fil d’Ariane qui relie le chef de palanquée à la surface. En cas de problème, la surface est alertée par les coups secs répétés que le plongeur donne au fil et lui-même peut suivre ce fil jusqu’au trou de mise à l’eau. Ces plongées doivent s’effectuer uniquement si la visibilité est excellente et si le courant est nul ou faible. Même dans le cas d’un trou de mise à l’eau large, dès lors que l’on s’aventure sous la banquise, on ne parcourt jamais des distances importantes, 50 mètres tout au plus pour remonter rapidement en cas de problème. Les craquements de la glace sous l’eau rappellent que ce milieu bouge en permanence et que le danger guette à chaque instant comme le basculement d’un bloc de glace par exemple. Lorsque l’eau atteint une température proche de son point de congélation soit -1,8°C, l’eau se transforme en « sorbet », sorte de soupe épaisse de particules de glace. Sa densité est forte et il devient difficile pour le plongeur de se mouvoir au travers. Les mains et les bras sont alors utilisés pour excaver cette masse pour se sortir de là. Il faut y être préparé.
Plonger avec les manchots n’est ainsi pas chose aisée et demande une assez longue préparation et une vigilance de tous les instants. Une fois toute cette organisation assimilée, quel cadeau immense le plongeur reçoit-il lorsqu’il a la possibilité d’observer dans leur milieu ces oiseaux uniques.